KEVIN COYNE
(TURPENTINE
RECORDS)
Les sessions dÕenregistrement de Underground se sont termines Nuremberg deux mois avant la mort de Kevin Coyne en dcembre 2004. La fibrose pulmonaire dont souffrait le chanteur lÕobligeait alors se dplacer en chaise roulante et recourir frquemment une bonbonne dÕoxygne. Peut-tre pas les meilleures conditions pour enregistrer un album. Le rsultat nÕest pourtant pas pathtique. Loin de l.
Underground nÕest pas seulement russi, Ņvu les circonstancesÓ, cÕest avant tout un superbe recueil de chansons. Le fait que Coyne ait su, travers sa musique, transcender sa maladie est extraordinaire. Sa voix gardait la mme puissance, malgr ce que tout le monde Š mdecins inclus Š aurait pu craindre. Il est difficile de ne pas sombrer ici dans le pathos, mais, si le souhait de chacun dÕentre nous est de laisser sa marque, rarement on aura entendu un tel chant du cygne.
Voici donc le chapitre final dÕune srie de plus de 40 albums enregistrs par Coyne depuis la fin des annes 60, lorsquÕil dbuta comme chanteur de Siren: il devint un favori de John Peel, qui le signa sur son label Dandelion, et fut reconnu comme un des grands chanteurs de blues blanc. Mais Coyne se tenait lÕcart de ses pairs du blues qui, bien que sincres, se contentaient parfois de fournir un ersatz de la culture noire amricaine, pourtant loin de leurs procupations personnelles.
En solo, Coyne sÕattelait une tche plus originale et diffrente : un blues authentique, brut, sans fioritures, un blues anglais avec des racines dans le Derbyshire plus que dans le Delta du Mississippi. On y entendait le rire et les pleurs, les espoirs et les rves, les idiosyncrasies et les manies des petites gens quÕil voyait autour de lui. CÕtait le blues du monde du travail, des lunatiques et des parias, des misfits qui cherchent en vain leur place. Le tout prsent avec un sens prcis du dtail et une puissance poignante parfois difficile affronter. Mais Coyne parlait avec une grande gnrosit, sans oublier cet humour absurde, galement typique de ses nombreuses nouvelles publies. Coyne crivait avec une empathie objective, laissant ses sujets Š et lui mme Š sÕeprimer tels quÕils taient.
Ce style inimitable se retrouve tout au long dÕŅUndergroundÓ. Sur le titre exhubrant et R&B ŅHard And LoudÓ, la voix et la guitare acoustique de Coyne est soutenue par son groupe de scne: Andreas Blml (guitare), Harry Hirschmann (basse) et Werner Steinhauser (batterie) - (Robert, le fils de Coyne, est cette fois-ci absent). ŅSilence SilenceÓ, acoustique celui-l, est un autre exemple de la cohsion du groupe. Le protagoniste de la chanson est dsesprement amoureux ; lorsquÕil se regarde dans le miroir, il voit apparatre ses cts une silhouette trange, qui lui donne des conseils sur sa vie amoureuseÉ
On est peu tonn lorsquÕon apprend que Coyne avait rv toute sa vie dÕtre comdien. Dans ŅLow I TryÓ, ses improvisation rappellent les apparts du comique qui met le public dans sa confidence, comme pour les calmer avant de les achever avec la blague finale.
La chanson ŅUndergroundÓ est dans un tout autre registre. il sÕagit dÕun de ses meilleurs titres, sa voix y est magnifique et les textes font preuve dÕune motion rare. Sur un accompagnement discret, Coyne regrette le dclin de la lumire, puis finit par lÕaccepter, lÕappeller mme: ŅIÕm not goinÕ anywhere, IÕm goinÕ home, IÕm goinÕ homeÓ. Puis sa voix se perd.
On a souvent entendu, sans tre trop convaincu, des musiciens clbrer avec entousiasme leur progniture. Pourtant, ŅBaby BillyÓ, le dernier titre de ŅUndergroundÓ, o Coyne sÕadresse son petit-fils, est une trs belle lettre dÕun homme un enfant, trop jeune pour se souvenir de lui, crite avec la certitude quÕun cycle remplace un autre. Comme toujours, Coyne dit les choses telles quÕelles sont; la force de la chanson est dÕtre extrmement poignante, sans pour autant sombrer dans la mivrerie. Et on a du mal imaginer un autre artiste qui sÕen sortirait ainsi.
MIKE BARNES
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