Des articles:
(parus pour la plupart dans Froggy's
Delight, web-zine musical)
Un recueil de pochettes de disques refaites ou modifiées,
une publication de Patrice Caillet
Patrice Caillet a une marotte bizarre :
il collectionne depuis des années les singles les plus invraissemblables ;
n’importe lesquels du moment que les propriétaires aient modifiés
d’une façon ou d’une autre les pochettes.
Au format d’un 45 tours, Discographisme
Re-créatif est un bouquin délirant à offrir aux amateurs
de rock et de graphisme. Sacha Distel avec des gomettes collées sur
les yeux, Kraftwerk redécoré
au stylo-bille, Sylvie Vartan moustachue ou avec des dents cariées,
ça, ce n’est que la partie la plus évidente de l’iceberg.
Mais on trouve aussi des pochettes entièrement redessinées,
découpées, recollées, comme celle d’un Jim Morison
où des lézards s’étalent sur un plan de Paris,
ou des Pogues, bricolée à partir d’un pub pour Grand-Marnier.
Artistes cachés ou coups de feutre rageurs, dessin machinal fait
pour meubler une attente ou un coup de fil qui s’éternise ou
rêglements de compte avec un disque qu’on n’aime plus,
Discographisme Re-créatif est une descente amusante dans un inconscient
populaire marrant et coloré, « au-delà du bon ou du
mauvais goût ».
commandes à : hello@discobabel.com Index
Les
chiens meurent dans les voitures trop chaudes... quel nom... et quel groupe
invraissemblable ! C’est le flash-back complet dans les années
80. Ces Ecossais-là ont tellement bien assimilé la pop british
parfaite, ses compos et ses arrangements qu’ils ont même pris la voix
de leur chanteur préférés ! Craig Macintosh, le
chanteur de Dogs Die in Hot Cars
est un mélange à la limite de la parodie de Andy Partidge de
XTC et de Kevin Rowland des Dexis Midnight Runners. Ajoutez à tout
ca un peu de Joe Jackson et, à l’occasion même un peu de
ska, et vous aurez un disque pop magnifique, complètement anachronique
mais beau comme à l’époque, avec un son magnifique, des
lyrics marrants : du XTC moitié période Drums and Wires,
moitié English Settlement.
Mainenant, qu’on en parle, est-ce que ca ne serait pas une nouvelle
supercherie d’Andy Partridge... ? En tout cas, comme il le disait
en 1978 : « THIS IS POP ! ».
Index
L’air de rien, les frères Herman Düne ont su s’imposer comme des incontournables de la musique indie française. Ainsi, Julie Doiron, artiste canadienne qui en est déjà en son septième album, a tenu à enregistrer son nouveau cd à Paris avec eux, album enregistré en une seule journée particulièrement fructeuse d’octobre 2003 au studio de Mains d’Oeuvres. Herman Düne a les défauts de ses qualités : ils sont doués et ont créé une sorte de trade-mark : on reconnait leurs disques, leurs sons de guitares, leurs harmonies vocales dès les premières mesures. Ce Goodnight Nobody est donc un bon disque... d’ Herman Düne... Julie Doiron a une jolie voix, même si elle ne chante pas tout à fait juste (il semblerait que ce soit pire en concert) mais elle s’est fait un peu fagocitter par les frangins barbus. Et comme tout album des Düne, c’est enregistré quasi-live dans le studio, sans répétitions, en une seule prise (dix morceaux enregistrés en une journée !), avec par ci par là des pains et guitares désacordées. On mettra ca au crédit de leur côté low-fi. Musicalement, c’est des ballades folk lentissimes, intropsectives et déprimantes et c’est, quand tout est dit, un album très réussi (surtout si vous aimez les Düne...)
Franchement,
je ne m’attendais pas à ca. Pour moi, Dylan était
rangé au musée des légendes qui vivent sur leur acquis,
repartent régulièrement en tournée comme on relève
les compteurs histoire de payer les impots, avec de toute façon
l’enthousiasme assuré des fans et des curieux. Et c’est
vrai que le Zénith est plein ; la moyenne d’âge
n’est en dessous de 50 ans que parce que chaque couple attiré
par les critiques de Télérama a amené ses enfants
adolescents (« Il faut que tu vois la légende :
il n’en a peut-être plus pour longtemps »).
Première
surprise : ca commence exactement à l’heure : au
point qu’il y a encore probablement des centaines de spectateurs
encore coincés entre la fouille au corps, les 3 contrôles
et les « hôtesses de placement » de l’insupportable
Zénith.
Ca
commence par une bande enregistrée d’aboyeur du genre « légende
du folk des années 60, il découvre le rock en 1965…
revient à Jésus… etc. ladies and gentlemen, the one
and only, a Columbia recording artist : Bob Dylan ! ».
On est en plein ridicule.
Mais…
mais ils attaquent immédiatement par un Maggie's Farm magistral
qui donne le ton et me cloue sur ma chaise.
Dylan
joue du piano (debout…) et ne jouera que du piano, ce que lui reprocheront
quelques irréductibles. Le groupe (Larry Campbell et Freddie Koella,
guitares, Tony Garnier, basse, George Recelli, batterie) est un excellent
group de blues-rock qui déménage avec un gros son –
ma préférence va pour Campbell et sa Telecaster aiguisée
qui me rappelle le Clarence White des Byrds époque Easy Rider.
Le
plus étonnant – surtout après Love and Theft, le soporifique
dernier cd – c’est l’énergie incroyable de ce
groupe : les titres viennent pour une bonne part de la meilleure
période dylanienne : Highway 61 ou Blonde on Blonde, quand
des guitaristes géniaux, Bloomfield, Robertson, etc. lui donnaient
la réplique. Et les guitares ont ce soir la part belle. Et Dylan
a l’air de prendre du plaisir. Je me souvenais d’un concert
de 1988 où Tom Petty et ses Heartbreakers essayaient désespérement
de suivre un Dylan complètement désinterressé. Ce
soir, entre chaque morceau, Dylan va encourager et diriger les musiciens.
Et
puis, dernière surprise, il sait encore chanter…
Les
titres s’enchaînent sans répit et sans un mot de Dylan.
Tout est parfaitement carré (il faut dire que c’est
le 1500e concert de la Never Ending Tour…) 19 morceaux,
plus de deux heures sur scène ; pas mal pour un petit vieux
de 62 ans. On ne le voit que de
loin mais il a l’air un peu bizarre, ces gestes sont saccadés,
il ne tient pas en place. On lui pardonne : il vient pendant ces
deux heures d’ouvrir une fenêtre sur une époque qui
lui plaisait, quand il (lui et la plupart du public) avait 20, 30 ans.
J’espère simplement que Télérama n’avait
pas promis à ses lecteurs qu’il feur ferait Blowing in the
wind en acoustique…
Ca va probablement paraître un jugement bien peremptoire mais les amateurs d’Etron Fou Leloublan ne me contrediront pas : de son temps, à une époque où « musique française », ca voulait dire Higelin ou Daho, ce groupe était tout simplement le seul groupe français crédible à une échelle internationale…
En fait, Etron Fou est peut-être plus connu et considéré à l’étranger que chez nous. En 1980, lorsque Mogan Fisher édite « Miniatures », le projet fou qui demande à 50 musiciens connus d’enregistrer chacun un titre qui dure moins d’une minute, Etron Fou est là, qui cotoie les Residents, Robert Wyatt, Fred Frith, Robert Fripp, Andy Partridge, Kevin Coyne, Ivor Cutler, Michael Nyman et autres pointures.
C’est en effet dans cette cour que joue Etron Fou : les bizarres, les décalés, le « art-rock ». Ajoutez un zeste de Zappa, une maîtrise parfaite des instruments, qui, pour autant, ne tourne pas à la démonstration et vous avez une idée du tableau.
Etron Fou était si doué qu’ils arrivaient à faire avaler – aux francophones comme aux autres – leurs textes en français. Les textes : l’abominable écueil de tout musicien français qui joue autre chose que de la chanson ou de la variété. Soit les anglophones (le public, c’est eux) vont trouver vos incompréhensibles textes français ennuyeux et ridicules (« ca ne swingue pas »), soit vous chantez en anglais et les rosbifs vont ricaner devant votre mignon petit accent et vos fautes de syntaxe… sans parler de l’absurdité intrinsèque de la chose : pourquoi chanter dans une langue qui n’est pas la sienne ?
Or, les textes d’Etron Fou sont incroyables. Ils inventent une voie différente de la malédiction des bons mots imposée par Gainsbourg (cf. Bashung et son Helvète Underground digne de l’Almanach Vermot). Les thèmes vont du surréalisme délirant à la poésie nostalgique détraquée, le tout dans une diction, un phrasé qui enfoncent bien des paroliers et chanteurs angophones.
Les deux membres les plus permanents étaient Guigou Chenevier (batterie, chant) et Ferdinand Richard (basse, chant) accompagnés de pianistes et saxophonistes interchangeables d’un album à l’autre.Chenevier et Richard portent leurs instruments respectifs à des hauteurs inconnues. Loin du rabachage pénible des virtuoses jazz, la basse et la batterie créent des histoires folles et captivantes, des rythmiques faites de solos entrelacés, des solos en formes de cassages de rythmes en tous sens, le tout avec une pêche et une bonne humeur irrésistibles.
Si les premiers albums les voient encore en train de chercher leurs marques, Les Poumons Gonflés ou Les Sillons De La Terre marquent une puissance d’inspiration et d’interprétation impressionante.
Etron Fou marque un nouveau jalon dans la fusion jazz-rock. Loin – très loin – du jazz rock narcissique des années 70, c’est la véritable rencontre du fun et des textes du rock’n’roll et de la maîtrise instrumentale qui permet les plus grandes audaces. En fait, c’est assez difficile d’imaginer un groupe aussi habile et si peu pénible… Rigolo et pas manchot : on pense là encore à Zappa, mais des Zappa sympathiques et pas cyniques, capables d’écrire des titres aussi uniques que « Comment choisir son infirmère », « P.O.I (Pourissement des Organes Intérieurs) » ou « Face a l'extravagante montee des ascenceurs, nous resterons fidèles a notre calme determination ». N’allez pourtant pas croire à la lecture de ces titres qu’il s’agit d’un groupe parodique : en cinq albums, Etron Fou a créé une œuvre des plus personnelles et des plus inovantes.
Pas trop réussi ce « Tribute to The Fall » monté par le groupe allemand Woog Riots. Il ne s’y passe pas grand chose de passionant. C’est que la musique de The Fall n’est pas si évidente qu’elle peut en avoir l’air au premier abord. Si elle surnageait nettement de la masse de groupes underground du début des années 80 en Angleterre, ce n’était pas pour rien : tout le monde n’est pas Mark E. Smith... Cette compilation a au moins le mérite de nous le rappeller.
Ce qui est amusant dans cette complaltion, c’est que les groupes choisissent soit de reprendre des titres de The Fall, soit d’écrire des chansons sur Mark E. Smith. Ca donne des titres savoureux tels que « J’ai rêvé que je mangeais une pizza avec Mark E. Smith », « I’ve Never been hit par Mark E. Smith » ou encore « 8 p.m » ou les Espagnols de Viva Las Vegas nous racontent qu’ils ont aidé le chanteur a attacher sa montre bracelet. C’est touchant de voir tous ces bambins indés qui bavent d’admiration devant le vénérable grand-père sur qui on raconte tant de choses mystérieuses...
Sortent du lot, Chris Knox (Tall Dwarfs) et I, Ludicrious qui arrivent à amener un peu de personnalité dans l’aridité de ce Tribute trop sage. Même Jeffrey Lewis – on connaissait son « Story of The Fall » depuis son passage au Nouveau Casino – ne s’en sort pas trop bien : c’est que les « low-fi video » sans l’image, c’est un peu sec...
Incroyables Fleshtones! Après 25 ans, toujours la pêche! En sortant de leur concert, vous avez envie de devenir leurs amis, de quitter votre boulot pour suivre leur tournée et faire la fête avec eux soir après soir, vous aimez tout le monde, la vie est belle, vous voudriez danser aussi bien que Peter Zaremba ou avoir le jeu de jambes du duo Keith Streng (guitare) et Ken Fox (basse).
Je
n'ai pas peur des mots: en concert, les Fleshtones, c'est le plus
grand groupe de rock du monde, un point c'est tout ! Chaque minute
du show est un moment d'anthologie : les hilarantes poses d'empereurs
romains entre les morceaux, les morceaux joués au milieu du
public, Zaremba debout sur le bar admirant le lustre du Nouveau Casino
("Keith, have you ever seen such a beautiful chandelier?"),
les chorégraphies insensées de Streng ef Fox ou encore
Bill Milhizer le batteur qui démontera finalement un tom pour
pouvoir lui aussi aller jouer dehors avec les copains! Car ca se finit
par deux fois sur le trottoir de la rue Oberkampf, debouts sur les
guéridons du Café Charbon! C'est ce genre de concert
là, les Fleshtones: la leçon de rock'n'roll. Mais une
leçon donné par un groupe qui fait ça pour le
fun. Depuis 25 ans…pour faire plaisir au public.
Quant à la musique, c'est toujours le même rock fun tendance garage 60's, énergique, dansant et irrésistible, avec une surprise en rappel : le 'Communication Breakdown' de Led Zeppelin!
Le Nouveau Casino était bondé ; moyenne d'âge : 40 ans… (notre ami Barbel était la seule caution jeune), preuve que lorsqu'on a vu les Fleshtones, on y retourne !
Ouvrez l'œil, tout a été filmé
par Arte pour Tracks et courez vite, vous pouvez encore les voir près
de chez vous :
(photoRené Simon) Index
Alors le rédac chef me dit, non, ca suffit,
pas deux papiers sur les concerts des Fleshtones, tu as chroniqué
Le Nouveau Casino, laissse tomber. Oui mais non, chef. C'est pas
pareil. Le 17 mai, les Fleshtones avaient un creux dans leur tournée
française et un fan français (Didier, qui ne sera
jamais assez remercié) a organisé une date chez lui,
à MONTIGNY-SUR-LOING !! (Où est-ce? Je ne sais pas
vraiment… du côté de Fontainebleau…). Pour le fun.
Et pour les fans. Chef, vous avez très probablement comme
moi grandit en province, vous avez connu comme moi et comme nos
inombrables lecteurs, les salles de fêtes de campagne, les
concerts de groupes locaux qui massacrent Satisfaction, la buvette,
le marchand de merguez, le type à l'entrée qui vous
tamponne le poignet, la galère pour aller sur le porte-bagage
du copain qui a une mob et la galère pour revenir parce qu'il
est repartit sans vous, les relourds du coin qui cherchent la bagarre,
etc. etc. tous ces divertissements qui pourrissent la vie de nos
ados provinciaux en quête de concerts de rock. Vous connaissez
tout ça ? Ce concert de lundi soir, c'était un peu
la vengeance, le retour sur investissement , tout était là
pourtant : une heure de voiture à partir de Paris, le fléchage,
le plan (et bien sur on se perd), la campagne, le stade des Tremblaux
avec ses drapeaux portugais, ses panneaux de sponsors ("Casse
automobile de Olivera"), sa salle installée sous les
gradins, décorée de banderolles "Joyeux Anniversaire",
le fond de scène avec les coupes gagnées par le club…
chef, il y avait même en première partie un groupe
local qui reprenait Satisfaction! Et puis une centaine de fans des
Fleshtones qui avaient fait le voyage et qui, avant le concert,
se voyaient menacés d'un sérieux accès de déprime
nostalgique, dans ce cadre idéal pour un flashback de leur
jeunesse dans les années 70... Mais… mais c'est les
Fleshtones! Le plus grand groupe de scène du monde! Ils montent
sur scène et on oublie tout! Cinquante ans d'âge, vingt-cinq
de carrière et ils nous font un concert parfait – 4
rappels ! – comme s'ils étaient au CBGB ou à
Paris ! Mieux, même ! C'est simple : les Fleshtones, jouer
pour nous, ils aiment ça…
Heu… chef, je peux aller au concert de Rennes ce soir? D'Amiens, après demain? De Lille…?
Depuis des années, la famille Hendrix gère la fortune et les fonds de tiroirs de Jimi Hendrix. On dira ce qu’on voudra : qu’elle a les dents longues, l’appat du gain, un mauvais goût certain (ils sont en train de réaliser un mausolée à Seattle ; le site nous apprend que « la construction des trois piliers de granit est terminée ; ils supporteront la statue en bronze grandeur nature qui est réalisée en Italie … », il n’empêche qu’avec leur label « Experience Hendrix », ils font un boulot impeccable : réédition de tous les albums originaux avec un son parfait sous la haute direction d’Eddie Kramer, l’ingénieur du son d’Hendrix ; les archives Hendrix enfin éditées de façon cohérente, tant pour les chutes de studio que les concerts ; le coffret de 4 cd « « The Jimi Hendrix experience » qui est un vrai bonheur ; un label « Dagger Records », dédié aux fans insatiables, qui sort des « pirates officiels », tous excellents ; des DVD et videos en tous genres…
« Jimi Hendrix Live At Berkeley » est le dernier DVD paru. Il y a encore quelques années on aurait accueilli l’occasion de voir des images d’Hendrix avec entoushiasme Aujourd’hui, il est vrai qu’on frole la satiété… Déjà, les derniers DVD sortis par Experience Hendrix étaient de plus en plus légers : on tirait trop sur la ficelle ; le « Dick Cavett Show » ou « Experience » méritaient à peine la place de bonus tracks d’un DVD plus consistant.
Le « Live at Berkeley » est un film célèbre filmé en 1970. Film de rock, années 70… deux ingrédients dangereux qui peuvent faire du film le plus intérressant sur le plan documentaire, une épreuve difficile à supporter. L’époque voulait que le réalisateur s’éclate lui aussi ou que les cameramen soient éventuellement aussi stoned que les musiciens ou le public (voir Woodstock et ses trois écrans…). On n’y échappe pas avec « Berkeley », qui fait un montage parallèlle entre « Machine Gun », le titre anti-guerre d’Hendrix, et les émeutes et la répression policière à Berkeley en 1970. On comprend bien le message de l’époque mais on préférerait voir les images d’Hendrix plutôt que les lacrymos (de la même façon, le film Woodstock coupait la moitié de la prestation d’Hendrix pour montrer les hippies après la bataille… là encore, la famille Hendrix a proposé un DVD avec la version intégrale – ou presque – de Hendrix à Woodstock).
La caméra zoome dans tous les sens,
s’amuse à faire des flous, montre les chaussures
d’Hendrix ( !), etc. Mais le pire, c’est evidemment
le montage-son. Pour faire rentrer les deux sets dans le film,
on a saucissonné et défiguré les titres à
coup de haches… un massacre. Seul le célèbre
« Johnny Be Goode » et ses cinq ou six solos
en sort intact. Les notes de pochette laissent entendre que les
images originales avant massacre existent peut-être encoore
quelque part et que, peut-être, un jour… Les DVD Hendrix
ont de beaux jours devant eux…
Verdict : les fans d’Hendrix l’achèteront de toute façon. Les autres : dispensable, tout à fait dispensable… Préférez les DVD Live at Woodstock ou le formidable Band of Gypsys, quand Hendrix essayait un groupe et une musique différente.
Je sais, je sais… vous êtes comme moi, vous vous posez LA question : ce HiM, c’est le groupe fusion de Doug Scharin ou le groupe de heavy metal sataniste finlandais ? Le nom fait-il référence à « His Imperial Majesty » (nom duquel vous êtes censé saluer Halié Selassie, empereur d’Ethiopie et gourou des rastas), ou à « His Infernal Majesty » ?…
La bonne réponse est heureusement la première.
Donc, Doug Scharin, batteur mutli-instrumentiste de Chicago, ex Codeine, June of ’44 et Rex, relance HiM et sort ce nouveau disque « Many in High Places Are Not Well ». Scharin est entouré d’un groupe de neuf membres, la grande nouveauté étant l’apparition d’un chanteur, Christian Daustreme, qui chante en anglais et en français.
Disque serein et reposé, totalement maîtrisé par des musiciens irréprochables, « Many in High Places » renonce aux solos et démonstrations de virtuosité pour préférer l’élaboration minutieuse d’ambiances et des strates sonores basées sur des rythmes sophistiqués (le leader n’est pas batteur pour rien…). La voix elle même, loin d’être traitée en soliste, est un élément constitutif du résultat final, sorte de fusion d’impro jazz, de dub, de rythmes world, de funk, voire d’électro ou de boucles à la Robert Fripp. A noter aussi un beau solo de cithare, qui entraîne un moment la musique vers la World.
Les premiers albums de HiM se référaient au Miles Davis de Bitches Brew ; on est maintenant plus prêt des recherches de Bill Laswell ou de Bill Frisell (il avait donné un concert exceptionnel cet été au Parc Floral avec son nouveau groupe, The Intercontinentals, qui, lui aussi, mélange des instruments d’origines diverses), Bill Frisell dont on retrouve parfois le son de guitare aérienne.
Plus accessible que les cds précédents de HiM, « Many in High Places » devrait permettre à Scharin de s’imposer comme le seul et unique HiM.
Français,
Holy Curse est un groupe qui a choisi comme terrain de jeux
les banlieues industriels de Detroit ou le bush des punks
australiens. Autant dire que l’écoute de ce cd
– leur troisième – est très déconseillé
aux âmes sensibles.
Même si les nombreuses références aux Stooges s’enchaînent, dont une reprise impeccable de « I Wanna be your Dog », Holy Curse a dépassé ses influences. Est-ce la (superbe) production de Lucas Trouble (Vietnam Veterans) ou le groupe évolue-t-il, en tous les cas, on a droit à des morceaux relativement plus longs que le standard et, sur « Red and Whites » chanté par un des guitaristes, on bascule soudain dans un univers totalement différent, aux relents de punk-psychédéliques. Autres références : les Ramones – période « produite » ou les Dead Boys.
Le son énorme, les guitares pas commodes en avant, plus toute la réthorique agressive, dans les textes ou mêmes les notes de pochette, en font un album de rock sans fioritures. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer un exemple du communiqué de presse : « Ils arrosent à tout va, sans pitié pour les éphèbes boutonneux et branchés qui grillent sur place se mélant aux cendres de ce qu’ils croyaient être le rock’n’roll... ». Le plus surprenant dans tout ca, c’est une citation très discrète d’Eliott Murphy « They had one God, his name was rock’n’roll ».
Pourquoi chercher ailleurs ce qui casse la barraque en bas de chez vous ?
La
série de films "Martin Scorcese Presents The
Blues" et, en particulier The Soul Of A Man de Wim Wenders donnent une bonne occasion de redécouvrir quelques
unes des superbes légendes du blues.
A
vrai dire, le principal intérêt du film est
de nous montrer de précieuses images d'archives de
Skip James, lors de son retour sur scène
dans les années 60, ou de J.B. Lenoir, filmé par un sympathique couple
de hippies suédois (bien plus intéressantes
que le reste du film : de laborieuses mises en scène
en playback et costumes d'époque ou, pire encore,
les versions des titres de James et Lenoir jouées
par des musiciens peu inspirés… le plus triste
étant un effrayant Lou Reed quasi aphone…).
Né
en 1902, Skip James était doué pour la musique. Il aimait déclarer avoir
appris la guitare et le piano tout seul. Ses premiers enregistrements
datent de 1931 et ont conservé toute leur puissance.
La magnifique voix de falsetto de James, son jeu de guitare
inimitable, basé sur un open-tuning non-orthodoxe,
continuen,t après tant d'années, à
fasciner.1931 c'est cinq ans avant le magnifique Robert
Johnston, qui avait surement écouté
James: son "Hellhound on My Trail" s'inspire du "Devil
Got My Woman"
de Skip James.
Après
ca, Skip disparaît de la circulation. Pour trente
ans.
Au
début des années 60, les galettes de cire
de Skip s'échangent avidement parmi les nouveaux
amateurs de blues. Ses enregistrements sont une référence.
Les musiciens du British Blues ne jurent que par lui. Exhumé
par des passionés, Skip James réapparait après
trente ans d'anonymat et fait un tabac au festival de Newport
de 1964. Mais il est malade. On raconte que les royalties
de la reprise de son "I'm so Glad" par Cream serviront à payer l'hôpital et son enterrement.
Autant
Skip James était M. Cool (rappellant en cela John
Lee Hooker), autant J.B. Lenoir (né en 1929) était le
rondouillard sympa et marrant. Il s'habillait d'incroyables
fracs en fausse peau de zèbre et savait faire rire
le public. Mais ce n'est pas tout, loin de là.
Lenoir
avait tout pour lui : une voix magnifique de clarté
et de chaleur, un jeu de guitare très précis
et rythmique qui servait aussi bien ses blues lents que
ses boogies déchaînés façon Lightning
Hopkins.
Et en plus, les textes… Il fallait du courage pour
écrirer – et enregistrer ! – dés
les années 50 des chansons politiques. Lenoir écrivait
sur les émeutes raciales de l'Alabama et leur répression,
sur les guerres du Viet-Nam et de Corée, sur Eisenhower.
J.B.
Lenoir est un personnage attachant. Ses disques, qu'ils
soient électriques et enregistrés à
Chicago avec son ami le fameux Willie Dixon, ou acoustiques comme "Alabama
Blues"
et "Down in Mississippi" font de lui un maître au même niveau que
les plus grands : Muddy Waters ou Jimmy Reed.
Là
encore, les petits blancs des années 60 avaient vite
appris la leçon : ainsi, malgré leur différences
de look (l'un ressemble à un épicier, l'autre
est l'archétype de la rock-star sexy), on entend
d'incroyables réminiscences de Lenoir dans le chant
de Robert Plant (grand érudit du blues). Quant à John Mayall, il déplorait la mort de J.B.
en 1967 dans une de ses chansons.
Skip
James et J.B. Lenoir sont tous les deux d'une puissance
phénoménale. On a tendance à confondre
les vétérans du blues avec de vieux paysans
primitifs qui gratouillent au coin des rues. Tous deux étaient
des professionnels. Leurs enregistrements montrent une aisance
rare, un jeu de guitare d'une parfaite fluidité,
une grande habitude du concert et du public. Enregistrés
"live in the studio", sans fioritures, ils sont
au naturels, tels qu'on pouvait les entendre à l'époque.
Et ils n'ont rien à envier à tous les bluesmen qui depuis tout ce temps les pillent, les imitent ou leur rendent hommage.
Comme les Singles (qui sont d’ailleurs du même label), les Jessica Fletchers ont un petit problème d’anachronisme. Cette fois-ci, la datation au carbone 14 donne une date approximative de 1966-67. Le sujet souffre d’un fort complexe de garage band à tendance dance (jerk) psyché, avec complication de sitar, Fender Jazzmaster, orgue farfisa et, circonstance aggravante, une sorte de syndrome aigü qui ferait d’eux des « Fleshtones norvégiens ». Autant dire que sur scène, ca doit déménager sérieux. Une des découvertes des soirées Gloria, qui alternent légendes psychédéliques réanimés pour l’occasion (le 23 novembre : Music Machine !) et petits jeunes mal dans leur époque, les Jessica Fletchers sont LE groupe à mettre sur le tepaz lors de la prochaine surpat avec tous les copains ! Groovy, man...
En 1980, Daniel Johnston a 19 ans. Il vit chez ses parents à Austin, Texas et enregistre ses premières chansons avec un mauvais magnétophone à cassettes posé sur le piano de sa maman ou sur son orgue.
Il essaye ensuite de vendre ces cassettes dans la rue ou au Macdo où il travaille (« Une petite cassette avec votre BigMac ? »).
On connaissait neuf de ces cassettes. Trois d’entre elles (« Yip Jump Music », « Continued Story » et « Hi, How Are You ») avaient été éditées en cd dans les années 90. Cette année a vu une réédition de « Songs of Pain 1 & 2 », les deux extraordinaires premières cassettes. Les autres sont en vente chez Stress Records depuis des années pour le prix modique de 5$.
Ce début de carrière de Daniel Johnston est absolument fascinant. Son talent inégalé de songwriter éclate déjà avec une aisance et une prolixité rare. La low-fi trouve là ses marques avec la rythmique produite par le battement de ses doigts sur les touches de l’orgue. Low-fi dans ce cas veut simplement dire que, malgré les conditions techniques effrayantes, les chansons sont assez fortes pour passer quand même.
Bien avant
que les majors ou les musiciens n’essayent de
faire de ce monstre un produit commercialisable bien
propre, bien avant qu’on
en fasse un phénomène de foire
qu’on va voir en concert en ricanant nerveusement,
Daniel créait, tout seul, une musique unique,
formée de refrains dignes des Beatles et de textes
pleins d’humanité, de naïveté
et de désespoir.
Cette année a vu arriver le premier site correct sur Daniel : http://www.rejectedunknown.com
A la question du web master : « Daniel, aurais-tu du matériel à me donner pour animer mon site ? », Daniel a ouvert son armoire et lui a proposé de se servir. Il y avait dans cette armoire 2000 cassettes…
Après un moment de panique (que faire de tout ça ?), le site a commencé à proposer chaque mois une cassette différente, en téléchargement MP3.
En plus des compositions de Daniel, toutes plus fascinantes les unes que les autres, on l’entend aussi s’amuser à reprendre avec ses amis des chansons des Beatles ou de Dylan. Pour les véritables fanatiques, on peut aussi entendre 90mn d’émissions radio enregistrées par Daniel le 8 décembre 1980, date de l’assassinat de John Lennon, son idole…
L’accès aux mp3 est réservé aux membres mais l’inscription est ouverte à tous.
Non-fans
de Johnston s’abstenir. Mais si vous avez suppporté
les neuf cassettes et qu’il vous en faut plus,
ces mp3 sont pour vous.
Pour avoir une idée de ce qu’était Daniel Johnston à cette époque, un document unique est la vidéo fournie sur la réédition du disque de Daniel Johnston et Jad Fair « It’s Spooky ». Daniel y joue « Don’t Play Card With Satan » ; la tension est quasiment intenable.
Cet album d’hommage à
Daniel Johnston rappelle l’époque où
Dylan, qui n’attirait alors que les afficionados
avec ses albums acoustiques, cartonnait pourtant dans
les charts quand les Byrds, les Turtles ou Cher reprenaient
ses chansons. Dans les deux-cas, on est en effet face
à de tels songwriters que les titres s’imposent
toujours, que ce soit dans leurs versions primitives
- Dylan avec sa guitare, son harmonica et sa voix de
canard, Johnston avec le piano de ses parents et sa
voix de canard - ou enrobés dans des formats
plus arrangés pop-rock.
On savait déjà que le
traitement rock réussissait aux morceaux de Daniel
Johnston : ses derniers albums produits par Sparklehorse,
Yo La Tengo qui
avait grâvé un superbe Speeding
Motorcycle et Katie McCarthy, qui il y a dix ans, enregistrait un album entier
de reprises de Johnston (sans parler des Perfect
Kevins).
Pour ce tribute, on a droit au gratin : ca commence à fond avec Teenage Fan Club ET Jad Fair qui donnent une version très fidèle de My Life Is Starting Over Again, avec un bel orgue à la Velvet Underground ; on connait l’amitié qui unit Jad et Daniel ; leurs deux voix, tout aussi fragiles, se répondent depuis longtemps, il était bon qu’il ouvre ce tribute.
Clem Snide continue avec une version poignante de Don't Let the Sun Go Down On Your Grievience avec de belles voix. Gordon Gano, qui reprend Impossible Love, a lui aussi une jolie voix à la Lou Reed, en particulier dans l’impro finale. Les Eels font un superbe Living Life ; dans l’ensemble, c’est un bel album de voix et de guitares qui sonnent bien comme on aime. T.V. On The Radio reprend Walking the Cow, magnifique titre de Daniel dans une version lancinante parfaite. Good Morning You par The Rabbit, révèle le côté pop, jamais loin dans tous les titres de Daniel (il n’est pas un immense fan des Beatles pour rien). Sorry Entertainer par le désopillant Calvin Johnson et sa voix de basse sur fond de boîte à rythme, est peut-être le titre le plus déjanté du cd, bien dans les habitudes du personnage ; et, là encore, quel compo... ! Devil Town était, à l’époque de l’album 1990, une effrayante chanson a-capella ; Bright Eyes en fait une ballade plus apaisée avec solo de guitare psyché et harmonies vocales. Death Cab For Cutie reprend Dream Scream, de l’album Rejected Unknown, sur fond de batterie free et de claviers atmosphériques : magnifique ! Beck suit avec True Love Will Find You In The End (quand je vous disais qu’il y a du beau linge !) ; excelent choix de Beck qui s’approprie parfaitement cette ballade folkie. Ensuite, viennent (non ! eux aussi ?) Sparklehorse with the Flaming Lips qui font un parfaitement lennonien Go qui doit ravir Johnston. Encore un grand nom : Mercury Rev et Blue Clouds, même si sa version un peu grandiloquente n’est pas la plus emballante du tribute. La chanteuse de Thrisle chante exactement comme Debbie Harry et leur version punk-rock de Love Not Dead est bien agréable. Ensuite, c’est la perle : Vic Chesnutt transforme le sautillant Like A Monkey In A Zoo en une de ces ballades belles et tristes comme lui seul sait les faire. Suivent Dead Lover's Twisted Heart par Starlight Mints et Story of an Artist par M Ward, tous deux moins essentiels. Enfin, Guster choisit une des plus belles ballades de Johnston : The Sun Shines Down On Me, et ses textes uniques « I’m walking down that emty road / But it ain’t empty now because I’m on it »). Enfin, Tom Waits, accompagné de Mark Linkous de Sparklehorse et de Marc Ribot, le guitariste bizarre, s’offrent King Kong et c’est du Tom Waits parfait, avec percussions chantées et délires.
Les initiateurs de ce tribute (la famille
de Daniel) ont eu la bonne idée d’offrir
un deuxième cd avec les mêmes titres dans
leurs versions originales par Daniel Johnston. Ce qui
vous donne un magnifique Best Of. Vous pourrez ainsi
comparer. Et franchement, même pour un fan, c’est
un vrai plaisir de passer de l’une à l’autre
version. Les deux versions de Walking the Cow, par exemple, sont l’une comme l’autre tout
aussi fascinantes. En prime, vous aurez droit à
un avant gout du prochain, cd plus une vidéo,
les lyrics et des tas de dessins.
Une partie de l’argent aidera Daniel Johnston à survivre : à 43 ans, il vit encore chez ses parents...
Ce
qui séduit chez lui au premier abord, c’est
une fraîcheur et une spontanéité
qui décoiffent. On n’avait jamais vu
depuis Jonathan Richman quelqu’un d’aussi
culotté : là où Jojo pose
sa guitare pour pouvoir danser, chanter sans micro
ou improviser une version française ou espagnole
de ses chansons, Jeffrey Lewis chante plusieurs titres
a-capella en montrant au public son carnet de croquis
où ses dessins illustrent sa chanson :
c’est ce qu’il appelle ses « low
budget video »….
Et puis, en creusant un peu sous cette nouveauté, on découvre un type nourri de toute une tradition musicale qui ne nous rajeunit pas. Plus j’écoute ses deux disques, et en particulier « It’s The One Who’ve Cracked That The Light Shines Through», plus les noms des tas de vieux fantômes amércains se bousculent au portillon : Leonard Cohen bien sur, Fred Niehl, Phil Ochs ou Richard et Mimi Fariña, tous ces vieux songwriters du début des années 60. Le talking blues de « The last time I did acid », c’est Dylan, qui l’avait lui même appris de Woody Guthrie. Dylan encore, sa façon de déraper du folk « classique » pour exploser dans des up-tempo frénétiques et distordus (« Texas », « Kill the Ghoul », « No LSD tonight »), tout comme Dylan réveillait les folkeux à Newport en 65 avec les iconoclastes Bloomfield et Kooper. Et puis, incontournable pour tout musicien new yorkais qui se respecte, le Velvet (Jeff est bien le seul à oser reprendre « Murder Mistery » pour illustrer son bad trip d’acid).
Américains ? Pas seulement… sur « 3/4 Moon », c’est l’Anglais Nick Drake qui apparaît (et ils ne sont pas nombreux à pouvoir conjurer cet esprit-là) et le vieux Kevin Coyne et son folk déjanté joue lui aussi dans la même cour. Sans oublier Robert Wyatt (« The Sea Song »)…
Qu’est-ce qu’ils avaient tous ces songwriters pour que, 40 ans après, on les cherche encore ? Une guitare cabossée, trois accords ? Une voix ? Des textes ! Lewis ne fait pas dans le protest song mais ses textes sont la plus belle chose qui soit arrivée depuis « Waiting for the man ».
L’innocence réinventée, voilà la formule… Il les connaît surement par cœur tous ces ancètres mais il écrit comme au premier jour, sans se démonter, sans se laisser impressionner. Comme Woody Guthrie dans ses wagons de marchandise ou Dylan marchant dans la neige de à New York sur la pochette de « Blowin’ in the wind ». Encore un grand mot : Jeff Lewis est authentique. Ecoutez-le raconter comment il organise ses tournées : « Quand je veux faire une tournée, j’envoie à l’avance des e-mails aux salles ou aux promoteurs ou à quiconque pourrait m’aider à jouer là où je le voudrais. A mon niveau, je prends ce qu’on me donne, je ne demande pas vraiment un cachet précis. Je dors chez des amis. Je survis en vendant mes disques ou mes BD après le concert. Je réduis tout au minimum.On partage le bénéfice entre les musiciens, l’éventuel chauffeur et l’essence. C’est une façon de tourner assez « punk » ».
On comprend mieux après ca
la chanson « Don’t let the record
label take you out to lunch »… Jeff
Lewis est une sorte de saint… Même dans
nos rêves les plus fous, on n’aurait pas
osé. Figurez-vous qu’en plus il est sympa,
accessible… Hors de scène, il a l’air
d’un ado très sage et mal dans sa peau.
Pourtant, ce type-là ne fait pas de concessions.
Jeff Lewis ne joue pas le jeu du showbizz et j’aimerais
bien savoir ce que le show-bizz compte faire de lui.
Un type doué comme ca, qui ne veut pas se faire
inviter au resto par le label, ca fait désordre…
Rough Trade est quand même arrivé à
le signer. Jeff
lui même n’a aucune idée de ce
qu’il fera dans quelques années…
Ce type qui vient de sortir un excellent cd ose dire
que la musique est un moyen pour lui de se faire connaître
comme dessinateur !
Il arrive parfois qu’on rencontre un veillard qui vous dit avoir vu les Beatles à l’Olympia en 1964, avoir bu du vin blanc avec Hendrix quelques semaines avant sa mort ou vendu des yaourts à l’ile de Whight pendant le concert des Doors et on reste toujours baba de cette petite fenêtre ouverte sur l’Histoire. Dans 20 ans, les ados ouvriront des grands yeux quand vous leur direz : « Jeff Lewis ? Je l’ai vu en 2003 à Paris ; on était à peine 50 dans la salle… »
Index (photo Laurie Barreteau)
Il ne s’appelle pas Jeff “Lightning” Lewis pour rien, il change vite, très vite… Plus rien à voir avec le concert génial à la Guinguette Pirate en octobre dernier (voir notre article) dont les rares spectateurs ne se remettent toujours pas. Est-ce la salle – 350 personnes au lieu de son auditoire habituel de 100 – ou est-ce tout simplement le temps qui passe et l’entraîne dans d’autres directions ? N’allez pas croire que c’était un mauvais concert : la plupart de ceux qui le découvraient ce soir-là ont été conquis, même les vieillards venus voir Kevin Coyne en deuxième partie. Jeff et son groupe sont toujours aussi séduisants et attachants, avec leur candeur incroyable, la spontanéité qui leur permet toutes les audaces, comme si ils réinventaient tout à chaque morceau. De nouveaux morceaux, beaucoup plus punk-rock-psyché que folk ou AntiFolk, un mini opéra-rock désopilant qui ressemble heureusement plus au “SF Sorrow” des Pretty Things qu’à Tommy, de belles parties chantées des deux frangins, les magnifiques “Sea Song” et “Shoot the Head Kill the Ghoul”, une “low budget video” sur The Fall et en prime, l’arrivée surprise de Kimya Dawson (The Moldy Peaches) qui vient chanter avec eux l’hilarant “Ishalicious”, extrait de «l’Anti Folk Collaboration vol.1». Voir Jeffrey Lewis pour la première fois, c’est découvrir un talent énorme, une énergie qui déborde. Littéralement, on n’en revient pas. Ce type sait faire de la musique en dehors de tous les clichés éculés !
Mais – à la lumière de notre interview - on comprend que Lewis est à la croisée de deux chemins : le club ou la grande salle, ses propres chansons acoustiques ou celles du groupe, les tournées et toutes leurs corvées logistiques qu’il ne veut confier à personne ou la solitude du dessinateur de comics à la maison. En attendant, le show manque un peu de cohérence. C’est bien – c’est même très bien – mais on se demande ce qu’il va devenir dans les mois à venir. Et on a envie de lui dire “Tiens bon Jeff !”.
(photo froggydelight.com) Index
Un nouveau Jeffrey Lewis, c'est
toujours un événement : il s'agit
cette fois-ci d'un objet très étrange…
boîte superbe, impression en argent, deux
singles inédits,
un DVD, une BD, des autocollants, un dessin
original signé, le tout en tirage limité
à 400 exemplaires, numéroté,
cher (30 £), etc.
On
a déjà parlé ici du paradoxe
Jeffrey Lewis, on passe maintenant à la
vitesse supérieure : le gourou de l'Anti-Folk,
de la low-fi, lui qui, dans le DVD se réclame
des artistes-clochards du Lower East Side, se
trouve mis en scène dans une débauche
de luxe : un véritable objet d'art (les
spéculateurs l'achêtent surement
aujourd'hui pour la refourguer au prix fort sur
e-bay dans quelques années). C'est amusant
de voir les mots "Jeffrey Lewis" briller
en lettres d'argent en embossage sur la boite
toilée; on s'était habitué
aux photocopies noir et blanc qui jusqu'à
présent décoraient les pochettes
des cdr qu'il envoyait par la poste en échange
d'un billet de cinq dollars…
Un autre paradoxe c'est que le film du DVD est un déjà un bilan de la carrière de Lewis alors qu'on pourrait penser qu'elle ne fait que commencer. Montage de concerts au Sidewalk Cafe, d'interviews, de promenades dans New York ou chez les parents Lewis, (avec visite de la chambre des frangins), mais aussi dessin animé ("Heavy Heart") ou images d'archives (vieilles de deux ou trois ans, quand Lewis était un hippie bon teint), le film de Dominqiue Goodman a aussi le mérite de montrer l'énorme influence des groupes psychédéliques sur l'œuvre de Jeff (on pourra s'en assurer d'ailleurs avec le cd qu'il a enregistré avec Guitar Situations).
Personnage atypique et attachant,
Jeffrey Lewis a tendance à fasciner ses
fans et ceux qui le rencontrent; ce film en est
une nouvelle preuve.
Et la musique dans tout ça
? Les deux singles sont en fait " Les Quatre
Saisons" de Jeff Lewis. La Hallso Box a mis
tellement de temps à sortir que la musique
n'est probablement plus trop d'actualité
avec ce que fait Jeff en ce moment mais c'est
du Jeff Lewis comme on les aime, à la manière
du premier cd ("The First Time I Did Acid"
ou de l'"Anti Folk Collaboration vol. 1"
(on entend d'ailleurs à nouveau Diane Cluck).
Ne boudons pas notre plaisir.
Hallso prépare une boîte "Jack Lewis", qui n'a pourtant encore quasiment rien sortit d'autre… C'est troublant tout ça… Qui va bien vouloir payer 30£ pour un quasi inconnu ? Réservé aux fans (riches).
Jeffrey Lewis : le retour !
La dernière apparition en France, c’était
au Nouveau Casino en février. Après
une mini-tournée anglaise, le voici en
Belgique, en France et en Allemagne. Pas d’interview
mais une conversation informelle, bien typique
du sympathique personnage.
Ca commencait par un show-case
à Ground Zero, superbe nouveau disquaire
indie (12 rue Crussol, métro Oberkampf).
Jeff était là avec son frère
Jack pour un show acoustique, visiblement plus
en forme et serein qu’en février
(« J’ai fait un break, peu
de concerts au printemps et en été ;
j’ai beaucoup dessiné »).
On a eu droit à deux low-budget videos,
le célèbre « Story
of the Fall » et « The
Story of K Records », enfin terminée.
La grande nouveauté, c’était
l’extraordinaire « The History
of Punk on New York’s Lower East Side,
1950-1975 », conférence donnée
par le Professeur Jeff, illustrée d’extraits
musicaux chantés par les deux frangins ;
le « Gloria » de Patti
Smith, du Velvet ou les titres de David Peel
et des Fugs revisités par les Lewis valent
à eux seuls le déplacement. (Jeff
a recemment rencontré les membres originaux
des Holy Modal Rounders « ils sont
tous un peu dingues, ils ont trop pris d’acides
à l’époque…). Suivent
quelques uns des titres les plus folk du repertoire
(« Don’t Let The Record Label
Take You Out To Lunch », « Golden
City ») et ils terminent par le magistral
« Shoot the Head, Kill the Ghoul »).
Puis, c’est le départ pour le Pop’ In, à deux rues de là ; un Pop’ In bondé : c’était LA soirée branchée du jour ; un Pop’ In enfumé et surchauffé et un concert absolument parfait. Pour les chanceux qui étaient l’an dernier à la Guinguette Pirate, c’était la même chose en mieux (si, c’est possible !), pas de cassage de cordes cette fois-ci, la plaie qui gâchait les derniers concerts (« je monte mon ampli plutôt que de taper comme un sourd ! »). Jeff, déchaîné, profite du peu de hauteur de plafond pour y cogner sa guitare acoustique et générer du feed-back ; à la batterie, Dave Beauchamp alterne entre groove cool et tempo à la Marky Ramone ; enfin Jack « Lesser » Lewis, alias M. Cool, assure comme toujours (il a fait de gros progrès à la basse comme au chant).
Des tas de nouveaux morceaux
qui passent du folk binaire en finger-picking
aux longues explorations psychédéliques
avec mini-orgue à deux balles ;
des voix Jeff-Jack parfaitement en place au
milieu de ce qui paraît être un
véritable cahos ; des arrangements différents
(ainsi le superbe « Don’t be
Scared » qui ouvrait le concert en
février est radicalment transfomé
dans un ton à la Clash). On a même
eu droit à « The last time
I did Acid » ! Les titres de
l’opéra-rock tant attendu sont
fondus à d’autres morceaux (les
Lewis aiment bien enchaîner les morceaux
dans des tempo différents…).
OK, la vraie question :
pourquoi les concerts du Jeff Lewis sont-ils
tous aussi bien... Avec leurs trois accords,
leur matos pourri, comment arrivent-ils à
enflammer la salle et à laisser tout
le monde sur le cul ? Originalité,
culot, énergie, lyrics, charisme... talent.
Et le concert au Nouveau Casino avec Kevin Coyne, qu’en dit-il aujourd’hui avec le recul ? « C’était une de nos plus grandes salles ; jouer avec Kevin, c’était un événement ; j’aurais voulu faire un concert parfait mais j’ai fait des tas d’erreurs. Mais finalement, en réécoutant l’enregsitrement, je me dis que c’était pas si mal ».
Une interview exceptionnelle
: ni Jeff ni votre serviteur ne prononcent
une seule fois le mot “Anti-Folk”
! Résumé des épisodes
précédents : Jeffrey Lewis
joue à peu près en Europe tous
les six mois depuis juin 2003 ; on attend
toujours la suite du magnifique « It’s
The One Who’ve Cracked That The Light
Shines Through ». Après
un passage gratuit la semaine dernière
au Pop’ Inn et une tournée en
France et en Allemagne, Jeff revient pour
la première partie des Little Rabbits
à Mains d’œuvres. Croyez-le
ou non : il n’avait en effet pas
trouvé de salle pour le faire jouer
en tête d’affiche à Paris...
FD : Reprenons là
où s’était arrêtté
notre dernière interview. C’était
au Nouveau Casino en février 2004.
J’avais eu l’impression que tu
avais besoin d’un break. Tu te demandais
même si tu allais continuer la musique.
Tu penses avoir résolu ce problème
?
JL : D’une certaine
façon, j’ai fait un break. Je
n’ai pas fait grand chose cet été.
Notre batteur travaillait dans un institut
de yoga en banlieue donc on ne l’a pas
beaucoup vu. On a fait à peine deux
concerts à New York cet été.
Je n’ai pas travaillé à
l’album. Donc, oui, j’ai fait
un break.
FD : C’est à
ce moment que tu as travaillé sur ton
magazine, Guff ?
JL : Oui, j’ai enfin
terminé le numéro un de mon
magazine de BD. Ca m’a bien plu.
FD : Ce break t’a aidé à y voir plus clair ?
JL : L’avenir est toujours
un peu incertain pour moi. Je crois qu’on
a encore de quoi faire un album. J’ai
en moi de quoi faire un album.
FD : Un seul ? Et après
tu arrêtes ?
JL : Je ne sais pas. J’ai
des chansons pour faire un album, je vais
le faire et je verrai après. Je verrai
si d’autres chansons me viennent.
FD : Parlons de ce nouveau
CD. Il prend du temps à se faire comparé
aux précédents.
JL : Oui, en fait je n’ai
pas fait grand chose. On a enregistré
en février chez des amis en Angleterre
mais rien n’était terminé.
Mon ami devait m’envoyer les bandes
pour que je les termine à New York
mais il n’a rien envoyé parce
qu’il est encore plus feignant que nous.
Alors en revenant en Angleterre ce mois-ci,
sept mois plus tard, on a réécouté.
Ca me plait mais je me dis que si je dois
attendre sept mois chaque fois que je veux
les écouter, j’aurais plus vite
fait d’enregistrer chez moi quand je
serai rentré à New York.
FD : Et tout recommencer
?
JL : Je garderai surement
des trucs et j’enregistrerai à
New York certains des titres qu’on n’avait
pas encore fait.
FD : La musique a beaucoup
changé depuis “The Last Time
I did Acid” ou même le deuxième
cd.
JL : Oui, en fait, c’est
devenu l’inverse. Au début, quand
je faisais des concerts, c’était
du folk très calme, pas très
calé, et en solo, avec de temps en
temps un morceau rock qui venait par surprise.
Maintenant, c’est tout le contraire :
c’est un groupe. Le changement de tempo
aujourd’hui c’est quand je fais
des titres solo au milieu du show.
FD : Ce qu’on a entendu
au Pop’Inn la semaine dernière
était déjà très
différent du concert de février.
Tu as changé les arrangements, le choix
des morceaux et l’ordre.
JL : On essaye toujours de
faire quelque chose de vivant, on essaye de
nouvelles choses, de nouvelles directions.
Parfois on en fait trop, parfois pas assez.
Au Pop’ Inn, on a fait un show assez
spécial. Ca restait vivant et ca évoluait.
On a fait comme ca quelques bons concerts
dans cette tournée.
FD : Une des differences
entre le premier cd et maintenant c’est
que Jack [bassiste du Jeff Lewis Band et frère
de Jeff] écrit maintenant des chansons.
J’ai vu plusieurs concerts où
tu cassais des cordes et, pendant que tu réparais,
Jack faisait patienter en jouant ses chansons.
Ca changeait beaucoup les concerts.
JL : Oui. Une autre différence
c’est que je montre de plus en plus
mes dessins sur scène. Ce que j’appelle
mes documentaires, mes histoires. Je ne me
souviens pas si j’en ai fait au Pop’
Inn...
FD : Oui, l’histoire
de K Reconds et celle de The Fall.
JL : Oui, l’histoire
de K Records, celle de Rough Trade, de The
Fall, ca faisait beaucoup d’histoires
sur la musique. Maintenant, je travaille sur
une Histoire du Communisme.
FD : !?
JL : On a aussi un nouveau
documentaire sur l’Histoire du Punk
et du Folk à New York.
FD : C’est sur le cd
qui est donné avec ton magazine Guff
n°1.
JL : Je me disais que c’était
une bonne histoire qui n’avait pas vraiment
été raconté jusqu’à
présent. Mais après ca, je me
suis dit que je faisais trop d’histoires
sur la musique ; je voulais faire des
documentaires sur des sujets plus importants,
d’où ce documentaire sur le Comunisme :
ca me passionne. J’en suis seulement
au début [début qu’il
nous montrera pendant le show de Mains d’Œuvres].
J’ai fait beaucoup de recherche. Je
crois que ca pourrait devenir vraiment génial.
Je n’ai jamais fait un truc pareil.
Je ne crois pas que ca ait déjà
été fait.
FD : Tu connais des communistes
à New York ?
JL : Ma famille a toujours
été... mes grands-parents, qui
sont morts... la mère de mon père
était au parti communiste. Ma famile
a toujours été une famille d’activistes
de gauche ; ils n’étaient
pas spécialement communistes mais radicaux,
extrémistes. J’ai grandi en écoutant
mes parents, mes grands-parents, mes oncles
qui discutaient de tous ces sujets que je
comprenais à moitié. Les écrits,
les concepts étaient là, débattus,
discutés.
FD : C’est vraiment
interéssant car je crois que les Européens
ont du mal à imaginer des communistes
américains.
JL : C’est très
différent. L’attitude est très
différente ici ; c’est plus
ouvert.
FD : Les communistes ont
disparu en France il y a une dizaine d’années.
JL : Ils ont disparu en Amérique
aussi. Il y a encore un parti communiste mais
avec si peu de membres... ca n’est une
menace pour personne. Mais toute l’histoire...
Les gens en parlent baucoup mais ne savent
pas vraiment de quoi on parle quand on parle
de communisme : qu’est-ce que ca
veut dire, d’où est-ce que ca
vient ; quand on dit que le communisme
a échoué à cause de l’effondrement
de l’URSS... les détails, ce
qui s’est réellement passé...
C’est une histoire fascinante et encore
très récente, c’est une
idée nouvelle : le Manifeste du
Parti Comuniste a été écrit
il y a 150 ans. Tous ces pays qui ont tenté
le communisme sous des formes différents
avec plus ou moins de réussite, d’échecs,
c’est très intéressant.
FD : Tu vas parler de l’ère
McCarthy ?
JL : Peut-être, il
y a tant de choses à dire. Au départ,
je pensais que ca ne serait pas plus long
que les histoires telles que Champion Jim,
mais plus je faisais de recherche, plus je
trouvais de choses passionantes. Je me dis
qu’il faudrait presque faire un livre
pour la Russie, un autre pour le Viet-Nam,
etc. C’est peut-être trop ambitieux.
Je n’en ai fait que la première
partie.
FD : Entre ca, l’Histoire
du Punk, et le DVD de la Hallso Box, je me
dis que, pour toi, l’Histoire, ce qui
s’est passé auparavant, est très
important. Au contraire de la philosophie
Punk, qui serait « No Future et
No Past », tu es presque « respectueux »
de ce qui est arrivé dans le passé
et des anciens.
JL : Oui, c’est une
sorte de fascination pour moi. Je crois aussi
qu’au départ mes chansons étaient
très directes, je parlais de n’importe
quoi, de moi même et de ce que je pensais...
dans mes premières chansons, je racontais
de façon très directe mes expériences
de la drogue, de l’amour, je disais
ce que je pensais de Dieu, ce que je pensais
du voyage. Je crois que j’ai maintenant
dit tout ce que j’avais à dire
de mon point de vue.
FD : C’était
également le cas de tes BD qui sont
souvent autobiographiques.
JL : Oui, et maintenant,
je me dis que j’ai envie de faire des
chansons, des histoires...
FD : Qui parlent d’autre
chose que de toi-même ?
JL : Oui.
FD
: Cela a-t-il un rapport avec le fait que
tu vives à New York et que tu rencontres
des gens comme les Fugs ou David Peel, des
gens qui sont encore là (et toujours
aussi délirants) ?
JL : Oui et c’est presque
une fierté. Mon frère et moi,
même si nous n’avons rien fait
de spécial pour ca – il se trouve
que nous sommes nés à New York
– mais nous en sommes assez fiers. Quand
je parle de l’histoire de la musique
à New York, c’est un peu comme
si nous célébrions notre propre
héritage. C’est bel et bien une
fierté pour notre ville.
FD : Dans l’Histoire
du Punk, j’ai trouvé que ca manquait
un peu de Dylan et de Woody Guthrie. Tu ne
trouves pas qu’en un sens ils étaient
eux aussi un peu punks ?
JL : Oui, je mentionne Dylan
dans le couplet sur l’intérêt
du folk à Greenwich Village. C’est
vrai que c’est un peu léger de
ne consacrer qu’une ligne à Dylan
mais, après tout, tout le monde le
connait. Je ne parle pas non plus des Sex
Pistols. Et puis je ne parle que de New York.
Mais même les Ramones n’ont droit
qu’à une petite mention à
la fin. Je crois vraiment qu’il y a
une espèce d’histoire secrète,
une ligne de force qui va du folk au punk...
FD : Un des groupes que je
ne connaissais pas, c’est The Godz.
JL : The Godz sont célèbres
pour avoir fait des albums de bruit ;
pire que du bruit : on dirait des gens
dans une pièce qui tapent sur des choses,
qui parlent...
FD : Au début des
années 60 ?
JL : 66, 67. Mais il y a
aussi des chansons sur leurs albums ;
c’étaient de très bons
songwriters. Ce qu’on oublie d’habitude.
Moi même, je n’en parle pas dans
mon Histoire, je dis simplement qu’ils
savaient à peine jouer.
JL : C’était
de la musique psychédélique ?
Est-ce qu’il y avait vraiment de la
musique psychédélique à
New York ?
JL : La musique à
New York était bizarre dans les années
60. Il n’y avait pas vraiment de groupe
psychédélique qui marchait bien.
Il y avait de la musique psychédélique mais
elle était un peu à part, très
déconnectée du reste. On peut
dire que le Velvet Underground faisait de
la musique psychédélique mais
complètement différente du reste.
FD : J’ai lu que lorsque
le Velvet Underground est allé sur
la Côte Ouest, on leur reprochait de
s’habiller en noir, de ne pas être
cool...
JL : Pourtant certaines de
leurs musiques sont complètement psychédéliques :
The Murder Mistery est un des titres les plus
psychédéliques qui soient, Lady
Godiva’s Operation... Les autres groupes
de New York aussi : Lothar and the Hand
People, un groupe psychédélique
bizarre qui date de 1968, était totallement
différent des groupes de la Côte
Ouest... Silver Apples, un autre groupe neworkais
de la fin des années 60, très
psychédélique mais bizarre et
qui n’a rien à voir avec l’acid
rock et les guitares de Quicksilver Messenger
Service et de la Côte Ouest. Chaque
groupe inventait son propre style et ne communiquait
pas vraiment avec les autres groupes.
FD : Dans le DVD, tu montres
ta collection de LP psychédéliques.
C’est une grande influence sur ta musqiue ?
JL : Absolument, cette musique
est très proche de mon cœur pour
des tas de raisons. Surtout le folk psychédélique :
Pearls Before Swine et les premiers Donovan
qui m’ont beaucoup influencé
quand j’ai commencé la guitare.
FD : Au Pop’in, vous
avez commencé par une longue impro
avec feedback et toi qui tapait ta guitare
sur le plafond. C’était assez
psyché.
JL : C’était
cool comme ambiance, on n’avait pas
de contrainte de temps. Bonne atmosphère,
bon feeling ce soir-là… Les petites
salles nous réussissent bien.
FD : Tu penses que Le Nouveau
Casino avec Kevin Coyne était trop
grand pour vous ?
JL : On a du mal à
faire de bons shows dans des grandes salles.
On en a fait quelques uns pendant cette tournée
et même quand on joue bien, c’est
rare qu’on fasse un bon show dans les
grandes salles. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être
que ca nous stresse. C’est plus difficile
de communiquer avec le public.
FD : Une chose intéressante
dans vos concerts c’est que tout apparait
à première vue comme très
cool ; c’est punk et folk... Mais
c’est pourtant un groupe très
en place. Par exemple les voix entre toi et
Jack quand vous chantez de longs couplets
ensemble et c’est parfaitement calé.
Un mélange de cahos et de contrôle.
JL : Je prend ca comme un
compliment. Je recherche toujours cette combinaison.
J’aime la musique qui est à la
fois cahotique et qui repose sur des vraies
fondations. Je ne suis pas sur qu’on
n’y arrive toujours mais je crois qu’entre
mon frère et moi il se passe des choses
que je peux pas répêter avec
d’autres musiciens, même s’ils
sont peut-être meillleurs bassistes
ou chanteurs que lui. On se comprend, ca fonctionne.
FD : Y-aura-t-il des chansons
de Jack sur le prochain cd ?
JL : Si Jack arrive à
ses fins, oui... C’est une bataille
entre nous deux. J’adore ce qu’il
fait mais souvent je pense que ses chansons
doivent être pour ses projets à
lui et pour mes projets, je prendrai quelques
petites choses par-ci par-là dans ses
chansons. Je ne suis pas sur que ses chansons
telles qu’il les voit seraient bien
dans l’album tel que je le vois ou dans
les concerts tels que je les voudrais.
FD : Il me semble que vous
avez tous les deux assez de personnalité
pour avoir chacun votre propre groupe et vos
propres disques. Je ne crois pas qu’il
faille mélanger vos chansons.
JL : C’est comme ca
que je vois les choses moi aussi. Pourtant
parfois quand on mélange nos chansons
ca marche très bien. On n’est
pas toujours d’accord : il voulait
que sur un titre on fasse d’une certaine
façon et moi d’une façon
différente. Donc on se chamaille pas
mal à ce sujet. Heureusement qu’il
y a le batteur maintenant, il apporte une
troisième voix. On s’adresse
à lui pour résoudre nos disputes.
FD : Ca ne doit pas être
facile pour lui... Est-ce que Jack est gêné
par le fait que tu ait fait deux cds pour
Rough Trade et pas lui ?
JL : Parfois.
FD : C’est aussi un
problème de grand et de petit frère ?
JL : Oui, je suppose que
tous les petits frères se sentent un
peu écrasés par leur grand frère.
C’est vrai aussi que je l’ai un
peu entraîné avec moi dans toute
cette histoire. Les gens viennent voir le
Jeffrey Lewis Band mais Jack Lewis est très
important dans ce groupe. C’est un problème
qui n’est pas résolu entre nous
et qui peut parfois devenir embêtant.
FD : Mais tu ne crois pas
que tu pourrais jouer avec un autre bassiste/chanteur ?
JL : Je l’ai déjà
fait mais c’est très différent.
Il manque des tas de choses. Si je devais
faire ca, je réécrirais surement
de nouvelles chansons.
FD : Une dernière
chose : j’ai écouté
le cd de Guitar Situations. C’est vraiment
excellent. C’est ton côté
psyché ?
JL : J’adore Guitar Situations. J’aimerais avoir plus de temps pour jouer avec eux. En fait, ce n’est pas un vrai groupe. L’idée c’est de trouver trois, quatre ou cinq personnes qui jouent d’instruments différents, qui vont écrire des chansons ensemble où chacun contribue de façon équitable, où chacun chante, chacun amène ses idées, et on arrive à des résultats très étranges.
Chaque concert de Guitar
Situations a des musiciens nouveaux et des
chansons nouvelles, chaque concert doit avoir
des chansons complètement différentes.
Il y a eu des tas de shows où je n’ai
pas joué. Aucun des membres de Guitar
Situations n’a joué dans tous
les concerts qui ont eu lieu. Parfois on se
dit « OK, on devrait jouer le 5
décembre. Qui est libre ? ».
Peut-être Jack et Abigail et Andy et
Dave...
FD : Le concert est improvisé
?
JL : Non, au contraire, ce
n’est pas du tout improvisé.
Les chansons sont composées et structurées
avant le concert et seulement pour ce concert.
C’est la combinaison de ce que ces gens
peuvent créer en travaillant ensemble.
FD : On dirait une performance
d’Art Moderne.
JL : Un peu oui...
FD : Ca paraît très
intello, non ?
JL : Si on veut... C’est
aussi que c’est difficile de garder
un groupe ensemble parce que tout le monde
fait des tas de choses différentes.Alors
tu te contentes de réunir quelques
amis, d’écrire quelques chansons
et faire un show ensemble et c’est super.
Et puis on s’est dit que qui que soit
dans le groupe, ca s’appellerait toujours
Guitar Situations, même si ce ne sont
jamais les mêmes chansons. Les chansons
qui sont sur l’album – un album
fait très rapidement, en deux jours
– ne sont pas toutes très bien
enregistrées, certaines étaient
bien mieux sur scène. D’autres
sont vraiment bien et je suis content qu’elles
étaient été préservées
puisque l’idée derrière
de ce groupe est de faire toujours de nouvelles
choses avec des gens nouveaux ; certaines
des chansons n’ont jamais été
jouées deux fois, des chansons très
compliquées sur lesquelles on a beaucoup
travaillé et qu’on a joué
qu’une fois... On garde les paroles
mais personne ne se souvient de la musique
et des arrangements.
FD : Laurie Anderson faisait
ce genre de trucs : jouer ces chansons
pour une seule performance.
JL : Peut-être, c’est
bien possible. Je suis sur que ca a déjà
été fait. Il y a des tas de
façons de faire de la musique. Une
des choses bien avec Guitar Situations c’est
que personne n’est très calé
en musique. Je suis probablement un de ceux
qui en connaissent le plus. Ils ne peuvent
jouer que des trucs très simples et
ils essayent de faire des morceaux très
compliqués, avec pleins d’interconnections
entre les instruments. Parfois, c’est
comme... je ne sais pas... comme des enfants
qui essayent de faire un grand orchestre.
FD : Il y a des
écrivains parmi eux ?
JL : Nelly Bridge est une
poétesse et elle a joué dans
le groupe. Elle a plein de bonnes idées
et des textes magnifiques. Elle est la femme
de Dave Miko, un de mes héros :
il est très punk, il donne un bon esprit
au groupe, il refuse toute compromission dans
ses idées artistiques, il nous pousse
toujours à avoir des idées intéressantes,
à ne pas nous contenter de peu.
FD : Ils vont faire un nouveau
cd ?
JL : J’espère.
Il y a plein de chansons de Guitar Situations.
Pleins pour lesquelles je n’ai rien
à voir, enregistrées par d’autres
personnes et certaines sont fantastiques.
Ca serait vraiment bien de faire un nouveau
cd.
FS : Peut-être un cd
live ?
JL : Oui si on y arrive. C’est difficile parce tout ca est très irrégulier, personne ne s’investit vraiment. C’est seulement pour un soir. Mais je crois que c’est important d’enregistrer tout ca sinon les chansons disparaissent.
(photo Aurelie Coedriau) Index
L’amitié
de Jeffrey Lewis et des frères Düne ne date pas d’hier.
Lors de son premier séjour à Paris il y a des années,
Lewis, fatigué de dormir à la belle étoile dans les
parcs parisiens, a été gentiment hebergé par les deux
barbus. Oui, les Düne, les Lewis, comme Devendra Banhart, ils ont des
histoires comme ca, des rencontres sur la route, des amitiés de beatniks,
des chansons acoustiques toute la nuit autour du feu de camp sur la plage
ou dans le squat.
Au Point Ephémère, cette belle petite salle chaleureuse dont on ne dira jamais assez de bien, les trois amis ont su recréer cette atmosphère décontractée, humaine et, pour autant, pas ridicule. Pourquoi, pas ridicule ? Comment on arrive à nos âges, nous qui avons tout lu, tout vu, tout bu, à venir écouter trois babas et leurs guitares sèches ? C’est simple : ils sont bons. Et comment.
Parfois rejoints par quelques amis (dont l’impertubable Neman aux percussions et à la scie musicale sur « Sea Song »), ils ont joué pendant plus de deux heures, tous ensemble ou chacun à leur tour ; ils ont chanté leurs chansons et des reprises : plusieurs titres des copains anti-folk de Pre War Yardsale mais aussi « Tell it to your Heart » de Lou Reed par Jeffrey et, surprise, « Lady Godiva’s Operation » du Velvet Underground.
Ambiance cool donc mais ce n’est pas tout : André et David Herman-Düne sont deux chanteurs irréprochables qui interprètent leurs chansons avec la conviction de ceux qui ont une vision. Leurs textes sont des instantanés, précis et oniriques comme du Kerouac. André – qui a du apprendre ça chez Jonathan Richman – s’amuse à chanter hors du micro ou au fond de la scène, selon l’axiome : si c’est bon, ca passe - et ca passe qu’elles que soient les conditions. Les Düne sont ce soir-là dans une optique de ballades acoustiques ; heureusement, Jeffrey et sa pédale de distorsion leur rappellent régulièrement que dans Anti-Folk, il y a aussi Punk (superbe « Shoot the Head, Kill the Ghoul »).
Jeffrey Lewis a des tas de nouvelles et belles chansons qui augurent bien du troisième album qu’on attend depuis trop longtemps.
Autant les deux frères ne s’étaient pas foulés pour accompagner Jack, l’autre frère Lewis, l’été dernier au Mofo, autant cette fois-ci l’alchimie est parfaite. La salle était pleine, il ya donc un public pour ca.
La bonne soirée. David l’a dit à la
fin : « Mes écrivains de chanson préférés
sont mon frère André et mon ami Jeffrey »...
Et, en prime, Jeff a dédié « Champion Jim » à Kevin Coyne. Ils avaient chanté ca ensemble il y a un an sur la scène du Nouveau Casino.
Photo : David F (merci) Index
Tous ces textes sont la propriété de Pascal REGIS; merci de ne pas les utiliser sans son accord.